Mael était assise bien confortablement dans son bureau, sirotant dans son sac en plastique le sang agréablement glacé auquel elle avait finit par s’habituer. Elle avait envoyé une petite réserve similaire à Grim au début de la semaine, et était en train de pianoter nonchalamment un article promouvant la fonderie d’Amaranth et les nombreux avantages économiques que cette entreprise pourrait apporter à la région. Elle savait pertinemment que de l’autre côté de ces murs, Andrew était dans un état d’enragement avancé, et cette certitude lui accrochait aux lèvres un sourire de pur satisfaction chaque fois qu’elle entendait un objet fracasser les murs du théâtre.
Son attitude était tout à fait déplacée pour un leader respectable, mais elle avait toujours eut en basse estime le Brujah, et cela pour plusieurs raisons évidentes. La première était son manque apparent de logique, comme si toute intelligence stratégique avait déserté son cerveau pour migrer en force physique, force qui devenait ainsi totalement inutilisable puisqu’elle était utilisée n’importe comment. La seconde raison était son caractère mégalomane, son désir ridicule d’accumuler la puissance, sa manie d’agir comme si tout lui était permis et de se considérer comme le meilleur de leurs combattants, et cet étalement orgueilleux et imbus de lui-même avait aux nez de Mael une odeur de pathétique. Enfin, son rapport direct avec la corruption qui rongeait Belle-Mont était une plaie dans l’honneur de la journaliste, une atteinte directe à ses valeurs morales les plus profondes, au point qu’il lui arrivait d’avoir des crises de frustration monstrueuse de ne pas pouvoir le vendre illico à la police, lui et sa bande de voyous dégénérés.
Trois bonnes raisons, donc, pour que Mael ait envie de rendre la vie d’Andrew particulièrement difficile, voir même lui faire atteindre le zénith de ce qu’il y avait de plus pénible et enrageant sur Terre. Aussi le laissait-il tranquillement faire son caprice tapageur dans la salle de spectacle, savourant sa délectable vengeance avec un calme des plus professionnels. Alors qu’elle finissait les dernières lignes de son article, elle hésitait entre appeler son Shérif pour remettre le Brujah à sa place, ou bien Jeffrey et sa capacité à calmer les crises de nerfs vampiriques (Mael se refusait à appeler cela « la Bête » pour des raisons parfaitement athéiste, utilisant la logique implacable de la génération du 21e siècle, et préférait lui donner des appellations comme « la Grande Faim » ou, comme marqué plus haut, « la Crise de Nerf Vampirique »). Cependant, elle ne voulait pas les contacter tout de suite. Autant laisser le temps à Andrew de tout détruire à son aise, pour ensuite lui demander une facture bien salée une fois qu’il se serait calmé, histoire de réparer les dégâts. Et puis, il devait avoir l’argent avec tout son trafique d’armes et de drogues.
Mael ferma son ordinateur, abaissa précautionneusement l’écran, enfila son manteau, puis sortit de son bureau en silence pour prendre la sortie des égouts, ni vue ni connue. Une fois dehors, elle fit un appel à la ronde d’un croissement sonore. Dans le bruit feutré d’un battement d’aile, le corbeau le plus proche des environs fit un atterrissage tout en douceur sur le toit du théâtre.
- Humaine-qui-sait-parler tôt appel.
- Humaine-qui-sait-parler avoir demande rare. Viande donner toi si toi donner message à Humaine-des-nuages-à-odeur.
- Message quoi?
- Humain-aux-cheveux-pointus danger. Venir rapide.
- Viande avant. Viande après.
Prévoyante, elle avait déjà apporté sa boîte à lunch, et après avoir arraché un morceau de steak cru à la pièce maîtresse, elle le balança dans les airs. L’oiseau attrapa son prix en vol avant de détaler à tire d’aile. Mael lui faisait confiance pour avertir en vitesse Amaranth à sa fonderie, les corbeaux ne plaisantaient pas lorsqu’il était question de danger, encore plus quand ils pouvaient s’en tirer avec quelque chose à grignoter.
Mael attendit donc le retour de son Shérif, adossée contre la porte extérieur du théâtre, un sourire amusée aux lèvres et les bras croisés d’un air nonchalant, regardant la neige de décembre tomber doucement, ce disant que c’était décidément une bonne soirée.
(Un prix à celui qui lira tout cela en entier xD)