Semaine trois, première nuit
Dans l’optique de s’installer confortablement un nid douillet et solitaire, Mael arpentait l’immense bâtiment de l’hôtel de ville en mémorisant le lieu de chaque pièce et ce que chacune contenait. Son cerveau excité lui lançait de temps à autre des idées de barricades, et elle songeait avec amusement à ce qu’elle avait besoin pour réaliser ses projets, et où elle pourrait les trouver. Agitant la lampe de poche qu’elle avait déniché dans le placard à balais du théâtre (toujours utile pour les techniciens en coulisse) qui avait encore miraculeusement des piles en fonction plus ou moins potable (la lampe clignotait à intervalles irréguliers, mais c’était toujours plus ouvert qu’éteint), elle s’amusait à retracer la vie qui avait déjà résidé entre ces murs il y avait de cela quarante ans.
Ainsi, dans le hall d’entré, elle imaginait sans problème une réceptionniste vieille et obèse s’ennuyer en répondant sans cesse aux appels stridents du téléphone, tout en écoutant d’une oreille distraite une radio communautaire merdique crachant des voix trop enjoués et une musique populaire des plus redondante. La chaise gémissait le martyr à peine s’assoyait-elle dessus et le téléphone, privé de ligne, était muet lorsqu’elle le mettait à son oreille. Il allait falloir régler très vite les problèmes d’électricités dans cette ville. D’ailleurs, Mael avait demandé à l’accro aux licornes si elle ne pouvait pas passer faire un tour cette nuit pour réparer la génératrice de l’hôtel de ville. Ne manquait plus qu’à savoir si elle allait répondre présente ou totalement l’oublier pour quelque chose de plus important.
Disons que Mael avait la désagréable impression que tout le monde ne saisissait pas l’importance de son rôle, voir même la considéraient comme une chose nuisible et inférieure sans aucune connaissance. Si c’était le cas, ils avaient totalement raison sur tous les points ou presque, mais c’était frustrant quand même. Une des raisons pourquoi elle souhaitait plus que tout s’exiler seule dans ce bâtiment qui deviendrait son repère, loin de ces gens maboules et de l’enculé qui leur servait de chef. Et aussi pour une question pratique, déplacer tous ces documents auraient été pénible.
Continuant son exploration du hall, l’ancienne journaliste trouva le mur des honneurs sur lequel étaient exhibés les portraits des maires et les dates de leurs mandats. Mael fit la moue en réalisant que c’étaient tous des hommes, puis étira un sourire narquois en réalisant que chacun d’eux concurrençait l’autre avec une moustache des plus ridicules. Elle allait se pencher pour effacer la poussière qui masquait le nom du dernier en date, celui des années ’80 qui avait vu sa ville tomber sous l’épidémie, quand un bruit de pas derrière elle la fit brusquement se retourner, pointant sa lampe-torche et son visage couvert de cicatrices vers l'origine du bruit…