La liste à questions

Semaine quatre, troisième nuit

Il n’allait sûrement pas être là, occupé à espionner quelqu’un ou à faire une activité quelconque bien plus importante qu’elle. Ou bien, il allait être là, mais il allait faire comme s’il n’y était pas, parce qu’il ne voudra pas être dérangé. Et, dans un infime pourcentage de chance, il allait être là et l’accueillir gentiment le temps de lui donner un coup de main, et encore moins plausible mais tout de même probable, le faire gratuitement sans rien lui demander en échange. Là, par contre, on frôlait l’utopie.

Ces pensées assombrirent aussitôt le moral de Mael, déjà bien bas. Debout devant la maison du médecin de la commune, alias l’Ombre, elle hésitait de plus en plus entre cogner timidement à la porte ou tourner talon et aller s’emmerder dans le théâtre à tourner en rond comme un lion en cage. Ce dernier choix lui apparaissant comme bien trop déprimant, elle finit par frapper et attendit nerveusement une réponse.

Il se dirigeait chez lui, après avoir terminer sa petite expérience. Il se dit qu'il pourrait passer par l'hôtel de ville pour aller voir Mael et enfin lui donner les réponses qu'elle voulait. D'ailleurs, il s'en voulait un peu d'avoir montrer un côté sombre qu'il essaye de réprimer depuis déjà si longtemps.

Arrivé à l'hôtel de ville, il vit aucun signe de vie, il se dit simplement qu'elle devait avoir mieux à faire. Se dirigeant vers la prison, il remarqua une présence vampirique dans la commune. De nature curieux, il ne put s'empêcher d'aller voir qui c'était.

De plus en plus qu'il s'approchait, il reconnu l'odeur de Mael et se dit que c'était une belle coïncidence, puisqu'il la cherchait. Voyant qu'elle se tenait devant la porte de la hutte du médecin avec une air de chien battu, il ne pu s'empêcher de penser à un ancien souvenir qui lui revenait parfois.

Il apparut devant Mael à visage découvert arborant un sourire très sympathique.

Ray : Je te cherchais justement. La prochaine fois, si tu veux venir me voir, viens à la prison et laisse un message dans la troisième cellule. De cette manière, tu pourras me rejoindre. D'ailleurs, je suis prêt à répondre a toutes tes questions, j'ai tout mon temps.

La première réaction de Mael fut d’ouvrir la bouche de manière un peu niaise, avec des yeux écarquillés montrant un mélange d’incertitude et de méfiance. C’était juste trop étrange de le voir comme ça, à visage aussi simplement découvert alors qu’il faisait normalement tout pour le cacher, et en plus lui souriant. Il devait la croire vraiment faible pour avoir autant confiance en elle, et il n’avait peut-être pas tord, ce gars-là lui avait après tout piqué sa job d’informateur et était capable à tout moment de lui faire exploser les veines. Peut-être était-ce aussi parce qu’il était à ce point meilleur qu’elle qu’il ne voyait pas l’intérêt de lui demander un service en échange de ses informations, il devait se dire qu’elle ne pouvait rien lui apporter de plus. Ce rappel enleva aussitôt l’expression idiote du visage de Mael pour lui ramener son air froid habituel, mais elle étira tout de même un sourire en coin pour le saluer. Après tout, il était le seul à être agréable avec elle, voir même le seul à être assez intelligent et sain d’esprit. Bon, d’accord, il avait des pulsions meurtrière, mais l’effort qu’il mettait à les combattre montrait bien que c’était un bon gars.

En fait, si elle pouvait avoir confiance en une personne parmi tout ce groupe de fous, c’était bien lui. Il lui rappelait lointainement son ancien patron du journal… Mael se secoua alors brusquement la tête pour chasser de son esprit cette pensée avant que la nostalgie de son passé l’envahisse.
- Alors tu me fais rentrer ou je t’en parle sur le devant de ta porte? Et tu as l’électricité dans cette hutte pour que j’y branche mon bébé?
Elle tapota de ce fait son sac, alourdit par son précieux ordinateur portable et son épais cahier.
- Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave, j’ai toujours mon carnet avec moi. C’est plus long pour prendre des notes, mais ça fait l’affaire.

Il regardait Mael dun oeil songeur. Il ne put s'empêcher de sourire à l'image qu'il lui revenait en tête. Celle d'une petite fille qui lui rappelait sa soeur. Tout comme elle, elle était un peu ignorante sur le monde qui l'attend. Un monde si dure et violent qu'il se demandait sincèrement combien d'année elle vivra sa non-vie.

De plus, comme sa soeur, elle n'avait pas peur de foutre son nez où il ne faut pas. C'est la raisons pourquoi elle est morte, elle avait creusé beaucoup trop loin. D'ailleurs c'était une des raisons pourquoi il lui témoignait autant de respect. Il voyait en elle ce qu'il avait perdu, il y a déjà si longtemps...

-Viens rentre.

Il repensa aussi à ce qu'il avait fait à leur assassin, il avait anéantie toute leur famille et les avait poursuivies en détruisant tout leur rêve, leur but, leur volonté. À un tel point que chacun d'entre eux se sont donné la mort...

-Je suis désolé, je n'ai pas d'électricité.
-J'aurais un petit service à te demander après ton interrogatoire. Ne t’inquiète pas, ça sera simple et aucunement dangereux.

À cette nouvelle, Mael fit un peu la moue, déçue. Encore un service… Au moins, il avait la politesse de le lui demander après et non avant, ça changeait de l’abus de pouvoir des autres. Et puis, il était dans son droit, elle lui volait quand même plusieurs précieuses minutes de son temps. Elle entra donc dans la hutte, et se mit à son aise, soit balayant la surface d’une table pour s’y hisser et s’assoir en tailleur. Mael avait toujours détesté les chaises, c’était plus agréable de s’installer à même le sol, ou en hauteur sur un bureau. Alors qu’elle farfouillait dans son sac, le silence gênant la décida à ouvrir la bouche.
- Alors en plus de la commune, tu as aussi tes cartiers dans la prison? Pourquoi? J’y aurais plus vu un… un… comment ils s’appellent déjà ceux qui aiment l’art? Les Taurés?

Enfin, elle en sortit un immense cahier de cinq cents pages, qu’elle feuilleta quelques temps avant de tomber sur la liste cherchée. Puis elle sortit un crayon plomb des larges poches de son chandail brun, et satisfaite, releva la tête en souriant. Sourire qui s’effaça très vite quand elle réalisa les veines noires parcourant la peau de l’Assanite, et elle revit brièvement la scène dans la cellule, sa folie dans le regard, mais son hésitation avant de tuer. Ce devait être dur de vivre avec ça, de toujours se battre contre soi-même… Mais Mael se secoua de nouveau brusquement la tête. Ray était fort, puissant, et méritais beaucoup plus de respect que de la pitié. Son sourire revint donc, avec une poussée d’excitation à la pensée d’avoir enfin des réponses, et elle commença.
- Dans le font, la liste que tu vois là est le rassemblement de toutes les questions auxquelles je n’ai pas de réponses. Je les ai à peu près triés par sujet… Et ça fait seize sujets en tout. Si tu perds patience à la longue, n’hésite pas à me le dire, mais je vais continuer quand même.
Une lueur mutine illumina son regard à ses paroles, lueur qui disparu l’instant d’après pour un visage brusquement neutre et très professionnel.

- Les premières questions concernent le Prince. Et je dois admettre que de ce côté-là, je suis pas mal larguée, parce que je ne sais presque rien de l’organisation… disons, hiérarchique, de… de nous, là.
Le « nous » sonnais atrocement faux dans sa bouche, comme si cela lui avait tout pris pour l’arracher de sa gorge. Elle se dépêcha aussitôt de passer à la suite pour camoufler cette erreur.
- Bref, qui est-il? Quels sont ses pouvoirs et son rôle dans la hiérarchie? Où se cache-t-il? Comment nous observe-t-il? Communique-t-il réellement avec l’encu… heu, le… le chef, là, comment vous dites déjà… le… rah, d’la marde, tu dois comprendre de qui je parle, le Ventru, bon! Et pourquoi le Prince nous a pieutés et emmenés ici? Il aurait pu choisir quelqu’un d’autre, ou au moins demander notre consentement!
Un temps de silence, où elle réussit rapidement à reprendre son calme, bien que l’injustice de la chose la démange d’une profonde fureur. Ce qu’elle aurait donné pour se retrouver devant ce Prince et le pieuter un bon coup, tiens, juste pour le faire chier autant qu’il l’avait fait chier! Et tant qu’à y être, pourrir la vie de son ancien mentor, comme il lui avait pourrit la vie en faisant d’elle un vampire…
- Sinon… il y a l’entrée Nosferatu menant à la ville souterraine qui m’embête. Je veux dire, est-ce que c’est le Prince qui l’a fait installer, et si ce n'est pas lui, qui? Un Nosfe des Sabbats? Ou un allié venu avant nous? Et où il est, ce Nosfe maintenant? Et qui a…
Elle se tu soudainement, rougis, puis se gratta la nuque d’un air embêté en se mordant la lèvre inférieur.
- Enfin, bon, si tu as une réponse quelconque, même juste pour une seule question, ça me va.
Sur ce, elle posa la pointe du crayon sur la feuille de papier, et attendit.